mardi 7 février 2012

Les « malgré nous » de la délocalisation


Direction : le  Maghreb.
Délocalisé à son corps défendant. Cela existe. J’ai visité ces derniers mois pas moins de cinq PMI de mécanique. Toutes sous-traitantes de l’industrie aéronautique. Toutes très pointues techniquement. Toutes comptent moins de 100 personnes et trois d'entre elles moins de 30. Elles fournissent des équipementiers comme Thalès, Zodiac Aerospace et autres Safran.

 Deux d’entre elles m’ont dit que  des donneurs d’ordres exerçaient  une forte pression pour qu’elles délocalisent une partie de leur production au Maghreb, en Tunisie ou au Maroc.

L’une d’elles, à qui on enjoignait de s’installer au Maghreb l’a fait, à contre cœur, et y produit désormais des pièces peu techniques. Elle se console en disant : « Cela nous à ouvert des marchés que, sinon, nous n’aurions pu avoir. »  Elle rapatrie en effet une partie de sa production en France, mais fournit également un donneur d’ordre qui, lui, est implanté sur place et c'est dans ce cadre qu'elle a décroché ce marché.

L’autre PMI qu’on souhaiterait voir installer une partie de sa production de l’autre côté de la Méditerranée, fait de la résistance au nom de la qualité et de la distraction que la gestion d’un tel site lui imposerait. Elle pense que, tout bien pesé, elle ne gagnerait strictement rien à délocaliser, bien au contraire. Pourra-t-elle longtemps s’en dispenser ?

Si deux seulement des entreprises que j’ai vues ont mentionné cette incitation à délocaliser, le phénomène est en fait général car de nombreux équipementiers de l’aéronautique, comme Safran, Ratier Figeac, Zodiac Aerospace... sont déjà installés dans ces pays à bas coût de main d’œuvre.  Et, peu à peu, ces sites maghrébins aspirent de nouveaux venus. Ainsi IN-LHC, société de la branche Aircraft Sytems de Zodiac Aerospace installée à Châteaudun, est elle en train de déménager une partie de son outil de production en Tunisie.

Bien sûr, cette injonction à délocaliser, ne concerne que les pièces les moins évoluées techniquement.  Bien sûr il s’agit de faire baisser les coûts. Mais on peut tout de même se demander si cette logique sera, à terme, profitable pour la performance de ces PMI.

L’argument de la « distraction » que met en avant notre pdg réfractaire me paraît en effet avoir du poids. Gérer à distance de tels sites de production réclame beaucoup de temps et d'attention. Et la caractéristique de ces PMI – celles que j’ai visité tout du moins-  est à la fois d’être hyper performantes techniquement et de disposer de toutes petites équipes dirigées par des pdg, très au fait de la technique, sur qui tout repose. Pour maintenir leur entreprise au top niveau, ils n’ont  pas une seconde à perdre…

Autre constat : leur connaissance intime de la production amène les responsables de ces PMI à accorder une réelle importance à la compétence et au savoir-faire de leurs employés. Ils les savent déterminants pour ce type de production très technique. L’un  d’entre eux, qui a tout fait pendant la crise pour ne pas licencier, se gausse ainsi des financiers qu’il voit investir dans des entreprises de mécanique pointues comme la sienne. « Avec la logique purement financière qui est la leur, ils vont se planter » dit-il en substance.

Ah ! La logique financière…

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